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Le syndrome de l’imposteur

Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur? Les actuaires peuvent-ils en être victimes? Dans cet épisode, nous accueillons Justin Deonarine, psychologue organisationnel, et Lisa Bolduc, FICA, spécialiste en ressources humaines, pour examiner ce schéma psychologique et discuter des moyens de surmonter ce syndrome. Cet épisode est disponible en anglais seulement.

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Fievoli : Bienvenue à Voir au-delà du risque, le balado de l’Institut canadien des actuaires. Je suis Chris Fievoli, actuaire membre du personnel, communications et affaires publiques à l’ICA.

Vu l’attention croissante accordée à la santé mentale en milieu de travail, on reconnaît davantage comment la recherche psychologique peut contribuer à repérer les obstacles à la productivité. Aujourd’hui, nous aimerions prendre quelques minutes pour discuter du concept du syndrome de l’imposteur et de la façon dont il pourrait toucher les membres de la profession actuarielle. Je suis en compagnie de Justin Deonarine, psychologue organisationnel, et de Lisa Bolduc, membre de l’ICA et spécialiste de la gestion des ressources humaines.

Merci à vous deux de votre présence aujourd’hui.

Deonarine : C’est un plaisir.

Bolduc : Heureuse d’être ici.

Fievoli : Commençons avec vous, Justin. D’abord, pourriez-vous nous dire ce qu’on entend par « syndrome de l’imposteur »?

Deonarine : Bien sûr. Le syndrome de l’imposteur est un sentiment très caractéristique, un schéma psychologique très caractéristique. Il s’agit essentiellement de la peur d’être démasqué, et c’est un sentiment profond. Et ce, même si vous n’êtes pas un imposteur et que vous êtes compétent. Toutes les apparences montrent que vous avez réussi, que vous méritez votre réussite. Intérieurement, vous avez l’impression d’être un imposteur et vous craignez d’être démasqué.

Les personnes atteintes du syndrome de l’imposteur n’ont généralement pas l’impression d’avoir mérité leur succès; elles l’attribuent à la chance. Elles ont également l’impression de vivre la vie de quelqu’un d’autre, d’où le terme « imposteur ». Ce n’est pas réellement moi. C’est seulement de la chance pure et simple ou le succès de quelqu’un d’autre et tout cela m’est attribué. Et maintenant, je dois dissimuler ma peur d’être démasqué.

Fievoli : Ça me semble être simplement un manque de confiance. S’agit-il simplement de ça ou de quelque chose de plus complexe?

Deonarine : C’est en fait un peu plus complexe. Lorsqu’on examine les recherches en psychologie, on constate que le syndrome de l’imposteur n’est pas vraiment lié à une faible estime de soi ou à un manque de confiance en soi, comme on serait porté à le penser. C’est très intéressant, en fait. Selon les recherches, le syndrome de l’imposteur serait plus étroitement lié au perfectionnisme qu’au manque de confiance en soi.

Ce syndrome est plus complexe et cela est vraiment intéressant. Il est associé à des sentiments tels que la crainte de l’échec, dont découlent le perfectionnisme, le sentiment d’être un imposteur, l’explication de la chance. Les personnes qui sont atteintes du syndrome de l’imposteur ont tendance à minimiser leur réussite. À dire que ce n’est rien d’important.

Lorsqu’on examine le schéma psychologique d’une personne atteinte du syndrome de l’imposteur, on constate qu’on a davantage affaire à l’anxiété ou à la dépression qu’au manque de confiance. Que ce syndrome est davantage lié au perfectionnisme ou à des tendances perfectionnistes.

Fievoli : Je m’adresse à vous maintenant, Lisa. Quels sont les obstacles possibles auxquels les actuaires qui pourraient se trouver dans cette situation pourraient être confrontés, en particulier ceux qui viennent d’obtenir leur diplôme? Avez-vous des suggestions qui pourraient les aider à résoudre ce problème?

Bolduc : Comme on peut l’imaginer, quiconque obtient une qualification ou franchit une nouvelle étape dans son domaine peut ressentir un certain doute, mais comme l’a mentionné Justin, le syndrome de l’imposteur se situe vraiment à un autre niveau. Il ne s’agit donc pas seulement d’une lutte personnelle isolée, mais d’un sentiment qui peut créer des obstacles importants au développement de son plein potentiel, d’autant plus qu’il a tendance à devenir un cercle vicieux.

Voici quelques exemples d’obstacles. On commence par douter de ses capacités jusqu’à craindre constamment l’échec, on s’empêche de s’attaquer à de nouveaux défis, même de communiquer ses idées, de chercher à accéder à des fonctions de direction, puis on en vient à s’adonner à la procrastination, et nous avons déjà parlé du perfectionnisme.

Le syndrome de l’imposteur peut donc assurément nuire à la productivité et au rendement, ce qui peut ensuite limiter la progression de la carrière et donner encore plus l’impression d’être un imposteur. Il peut aussi se répercuter sur les relations avec autrui. Il peut devenir difficile de nouer de nouvelles relations ou un sentiment d’isolement peut s’installer, ce qui peut amener à douter de soi-même et perpétuer le cycle du sentiment d’être un imposteur.

J’aimerais dire que la rétroaction est une bonne chose, mais il s’agit d’un obstacle. Lorsqu’on a déjà l’impression de ne pas être assez compétent ou d’être un imposteur, il peut devenir très difficile d’accepter la rétroaction, même les critiques constructives. On risque d’y voir une confirmation de son incompétence présumée. On le sait, quelle que soit l’étape de sa carrière, il est essentiel d’être ouvert à la rétroaction. Mais cela est vrai en particulier pour les actuaires nouvellement qualifiés. La rétroaction peut assurément avoir une incidence sur l’évolution et l’amélioration de ses compétences. Et nous avons déjà parlé des obstacles et de leurs répercussions sur la santé mentale en raison du stress, de l’anxiété, etc.

Et maintenant, que peut-on faire pour y remédier? C’est complexe, il n’y a pas de solution miracle. J’espère, Justin, que vous avez des astuces ou des recommandations à nous partager, mais il existe assurément plusieurs éléments qui, je pense, peuvent nous aider à surmonter ce problème.

Le premier consiste à reconnaître que le syndrome de l’imposteur est courant, en particulier lorsqu’on passe de l’étape de l’apprentissage à celle où l’on se voit confier des responsabilités accrues. On se retrouve à travailler avec des collègues plus compétents que soi, qui possèdent plus d’expérience et qui cumulent davantage de réussites que soi. Et c’est normal.

Lorsqu’on comprend ses schéma psychologique, comme Justin l’a dit un peu plus tôt, on est en mesure de lutter contre ses pensées négatives et de les remplacer par des affirmations positives. Mais je veux vraiment mettre l’accent sur l’importance de trouver du soutien auprès d’autres personnes. Cela est vraiment essentiel pour surmonter le syndrome de l’imposteur. Il peut s’agir, par exemple, d’en parler avec un mentor de confiance, un coach ou même un thérapeute, qui pourra nous guider et nous aider à relever le défi qui se pose devant nous.

Les mentors sont vraiment en mesure d’aider les nouveaux actuaires à gagner de la confiance en leur donnant des occasions de relever de nouveaux défis ou d’assumer de nouvelles responsabilités, en les aidant à se fixer des objectifs réalisables et en leur fournissant de la rétroaction et du soutien. Ils peuvent les aider à prendre conscience de leur potentiel et à développer un sentiment d’accomplissement.

J’ajouterais également que les témoignages des mentors au sujet de la façon dont ils ont réussi à surmonter leurs doutes et leur crainte de l’échec sont vraiment utiles. Nous avons parlé de la crainte de l’échec un peu plus tôt. Il est important de faire preuve d’authenticité et d’humilité en partageant sa propre expérience pour aider les autres à apprendre et à surmonter le syndrome de l’imposteur.

Fievoli : Bien. Et Justin, je crois qu’il existe une recherche récente qui traite de la façon de surmonter le syndrome de l’imposteur. Pouvez-vous nous en parler?

Deonarine : Bien sûr. Et merci, Lisa. Voilà de bons conseils. Il y a là bien des recoupements. Je lis beaucoup la publication Psychology Today. Un nouvel article paru le 10 mars 2023 aborde le syndrome de l’imposteur. On y donne des conseils sur la façon de le surmonter. On parle de ce que disait Lisa au sujet de l’obtention de rétroaction, de l’écoute de celle-ci, en particulier la rétroaction positive.

L’un des problèmes associés au syndrome de l’imposteur est que l’on peut avoir tendance, comme l’a évoqué Lisa, à se concentrer sur les aspects négatifs, à considérer les critiques comme une confirmation. La rétroaction positive est plus difficile à accueillir. Il faut garder à l’esprit que la rétroaction positive, les éloges que l’on reçoit, sont généralement sincères. Les gens ne sont pas gentils simplement pour le plaisir de l’être. Ils vous donnent cette rétroaction positive parce que vous avez vraiment fait du bon travail ou un excellent travail, ou parce que vous avez vraiment réussi.

Lisa a également parlé de rassembler des preuves de sa réussite. Si la réussite réside dans les réalisations, on recommande de regarder en arrière et de réfléchir à ses réussites antérieures et de s’adonner régulièrement à cet exercice, à titre de mesure préventive, en quelque sorte. Le syndrome de l’imposteur s’accompagne souvent de la peur de l’avenir. Ainsi, en prenant conscience de ses réussites passées, en y réfléchissant et en les célébrant, même modestement, on parvient plus facilement à se convaincre de son mérite et du fait qu’on n’est pas un imposteur. Et même lorsqu’on n’est pas atteint du syndrome de l’imposteur, cette pratique peut être efficace pour contrer le doute.

La troisième recommandation, qui est très puissante, qui fait partie des nouvelles informations, consiste à considérer ses doutes comme une force. Les personnes atteintes du syndrome de l’imposteur sont habituellement plus susceptibles de dire « je ne sais pas » lorsqu’elles n’ont pas la réponse. Et c’est un avantage d’être authentique, honnête et de faire preuve d’humilité. L’humilité est perçue de manière très positive. Elle facilite l’établissement de relations, de relations authentiques. Le fait d’accepter de dire « je ne sais pas » lorsque c’est le cas n’est donc pas un signe de faiblesse. C’est un signe d’humilité, d’honnêteté. Cette incertitude ou ce doute fait partie, en fait, du processus d’apprentissage. Croire en sa capacité d’apprendre, accepter la possibilité de dire « je ne sais pas », être ouvert à l’apprentissage et croire en sa capacité d’acquérir de nouvelles connaissances, tout cela redéfinit le syndrome de l’imposteur comme une force plutôt que comme une difficulté.

Fievoli : À bien y penser, n’avons-nous pas parfois le problème inverse, par exemple le cas de personnes qui acceptent des missions, sachant qu’elles ne sont pas qualifiées pour les prendre en charge? S’agit-il d’une sorte de syndrome ou simplement d’un comportement différent?

Deonarine : Oui, c’est vraiment intéressant parce que les gens définissent ce comportement de différentes façons, peut-être un excès de confiance ou un manque de conscience de soi. L’opposé du syndrome de l’imposteur, selon ce qui a été théorisé, n’est pas vraiment un syndrome mais un effet qu’on appelle l’effet Dunning-Kruger.

On connaît peut-être un peu mieux l’effet Dunning-Kruger parce qu’il est ressorti un peu plus souvent pendant la pandémie, mais il s’agit essentiellement d’une surestimation de ses capacités ou de ses connaissances par ignorance de ce que l’on ignore. On est ainsi incapable de distinguer une bonne d’une mauvaise performance parce qu’on ignore ce qu’on ne sait pas en arrivant dans la situation. On ne sait donc pas ce que devrait être la réussite.

Si on applique l’effet Dunning-Kruger de manière un peu plus large, on peut dire que la surestimation de ses compétences, de ses connaissances et de ses réalisations correspond à l’inverse du syndrome de l’imposteur.

Fievoli : Intéressant. Je reviens à vous, Lisa. Qu’est-ce qui, selon vous, pourrait aider les actuaires à trouver un équilibre qui leur permettrait de distinguer les missions pour lesquelles ils possèdent et ne possèdent pas les compétences nécessaires? Et comment accéder efficacement à de nouvelles responsabilités et pratiques lorsqu’on ne possède pas nécessairement d’expérience?

Bolduc : Je crois que l’équilibre recherché est ce que j’appelle faire preuve à la fois d’humilité et de confiance, c’est-à-dire avoir confiance en soi tout en étant conscient que l’on ne sait pas tout, comme Justin vient de le dire, et en sachant qu’il n’y a pas de mal à dire qu’on ne connaît pas la réponse. Il est donc très important de cerner de manière proactive les domaines dans lesquels on pourrait avoir besoin de soutien ou de formation.

Nous avons déjà parlé de demander et d’obtenir de rétroaction auprès de collègues, de prendre le temps d’assister à des séances de formation et même de faire des recherches par soi-même. J’aimerais toutefois insister sur le rôle des gestionnaires et des mentors pour indiquer clairement aux jeunes actuaires leur champ d’action et le soutien qui leur est offert. Cela doit aller dans les deux sens. L’employé doit aussi faire preuve d’authenticité à ce sujet, comme l’a dit Justin. Je dirais aussi aux gestionnaires qui nous écoutent d’être proactifs.

Votre rôle est essentiel pour établir un climat de travail positif et productif qui soutienne les employés susceptibles d’être atteints du syndrome de l’imposteur. Que cela soit le cas ou pas, encouragez vos employés, défendez-les, parlez en leur nom, veillez à ce qu’ils disposent des ressources et du soutien dont ils ont besoin pour réussir, à leur offrir des opportunités, etc. Montrez aussi l’exemple et communiquez clairement la rétroaction et les attentes.

Je rappelle aussi aux gestionnaires de souligner les réussites de leurs employés. Même les plus petites réussites peuvent faire beaucoup pour développer la confiance de vos employés et les aider à se perfectionner et à se débarrasser du syndrome de l’imposteur.

Fievoli : Voilà de bons conseils. Merci à vous deux de votre participation au balado aujourd’hui.

Deonarine : Merci de m’avoir invité.

Bolduc : Ce fut un plaisir. Merci. Merci, Chris. Merci, Justin.

Fievoli : Si cette conversation vous a plu, nous vous invitons à vous abonner à notre balado et à écouter les épisodes précédents en rattrapage. Également, si vous avez des idées pour un prochain épisode ou que vous souhaitez contribuer à notre blogue Voir au-delà du risque, nous aimerions vous entendre. Vous trouverez les coordonnées dans la description de l’émission.

Je suis Chris Fievoli et je vous remercie d’avoir écouté notre balado Voir au-delà du risque.

Cette transcription a été révisée par souci de clarté.

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